A la maison tôt.

Article paru dans La Croix

Un peu déprimant et attristant de songer à tous ces bout'choux qui font dix ou douze heures en collectivité chaque jour, à leurs parents qui rament entre RER et appartement trop petit, embouteillages, énervement...

Je songe aussi à nombre de mes élèves, "enfants à clef", priés de se débrouiller tous seuls à partir de la sixième. Ils ont leur clef, rentrent dans un appartement vide, et trompent leur solitude en se réfugiant sur Facebook ou dans les jeux vidéos, jusqu'à ce qu'un de leurs parents rentre vers 20h, fatigué et stressé, n'ayant aucune envie (et ça se comprend) de faire répéter les leçons.

Evidemment, les devoirs sont rarement faits, et parfois, l'enfant préfère traîner avec ses copains dans la rue ou au café... J'en ai vu beaucoup, même dans le quartier chic où j'enseignais. Beaucoup de parents séparés n'ont pas tant de moyens que ça, ou estiment qu'ils ont suffisamment dépensé en baby-sitter quand les enfants étaient plus jeunes. 

Combien m'ont dit en entretien :

- "Mais Madame, il est grand maintenant, je lui parle comme à un adulte : il est responsable de ses devoirs, je ne veux même pas regarder ses cahiers, c'est son affaire, j'ai déjà trop de soucis".

Ou bien :

- "Je rentre très tard, mon mari aussi, nous sommes divorcés et la garde alternée se passe très mal, je songe à inscrire mon fils à une étude du soir entre 17h et 20h".

Pour des petits bonhommes de sixième hauts comme trois pommes, déjà à moitié coulés, le regard perdu sous des cheveux ébouriffés, qui viennent de débarquer au collège et ont bien du mal à s'y retrouver entre les différents professeurs, les mauvais points pour un retard ou un cahier oublié, la prof de maths qui les vouvoie et des camarades qu'il ne connaissent pas !

Ca me fait mal au coeur pour eux... Un peu comme quand, fermant les volets le soir vers 20h, je vois des parents marchant d'un pas pressé, en costume ou tailleur, avec la poussette au bout des bras et un bébé emmitouflé qui devrait depuis longtemps être chez lui, avoir pris son bain, son dîner et jouer en riant aux éclats avec son papa ou sa maman. Franchement, on devient tous fous, non ? Non mais allô quoi !

Je sais bien que certains n'ont pas le choix, que c'est un luxe de pouvoir faire garder son enfant chez soi le soir par une personne de confiance, ou mieux, de prendre le temps d'être là soi-même le soir assez tôt. Mais ces années passent tellement vite, on dit que le temps perdu ne se rattrape pas... La petite enfance ne dure pas si longtemps, et les séances de jeux, de chatouilles, de câlins, c'est quand même tellement bien !

Un des (gros) avantages d'être une faf... Ca compense pour beaucoup d'inconvénients !